Petit bilan de l’ENA (université d’été d’Attac Europe), tenue du 9 au 14 août 2011
Le placement sûr face à la crise
par
Affirmer que la dernière université d’été des Attac d’Europe ENA a été un bon succès est sans doute en dessous de la réalité.
Fribourg, ville moyenne aux confins de l’Allemagne, de la France et de la Suisse, a accueilli les 1.300 participants (dont environ 600 Allemands et 400 Français) dans la bonne humeur, la joie et l’enthousiasme, du 9 au 14 août 2011. Son université séculaire, puisqu’elle a été créée en 1457 par la dynastie des Habsbourg, a abrité près de 200 ateliers différents, sept séances plénières, cinq expositions et divers événements culturels. Sans compter le yoga matinal et la trentaine d’excursions organisées dans la cité historique ou aux alentours.
Comme d’habitude, la préparation et le caractère méticuleux et précis de nos camarades allemands ont été à la hauteur. Ils ont mis les petits plats dans les grands pour que tout fonctionne à merveille : timing, traduction en trois langues (allemand, français et anglais), salle d’activités et de repos, espace de rencontres, repas au restaurant universitaire, logement sur mesure… Un modèle du genre.
Ce qui a contribué à une telle affluence est la décision d’Attac France de ne pas tenir son université cette année, ce qui n’avait pas été le cas lors de la précédente édition des rencontres européennes en 2008. De la sorte, les initiateurs du projet ont été heureux de pouvoir dépasser leur objectif d’un millier de participants. De quoi régénérer le mouvement ou de le prolonger durablement.
Ce sont donc des militants regonflés à bloc qui veulent étendre les réseaux déjà établis ou en créer de nouveaux. Ainsi, le réseau LEE (Labour and Employment in Europe - travail et emploi en Europe) s’est renforcé en organisant huit ateliers lors de l’université sur des thèmes comme la stratégie de Lisbonne - Europe 2020, la pauvreté et la précarité, la réduction du temps de travail, les pensions et les salaires minimums. Présent essentiellement en Allemagne, en France et en Belgique, il va pouvoir compter sur l’appui de représentants autrichiens et hongrois et espère toujours ajouter des membres du sud de l’Europe.
Aquattac a initié, de son côté, quatre ateliers. Il a pu faire un appel pressant à tous pour participer au forum alternatif mondial de l’eau (FAME) qui aura lieu à Marseille du 10 au 18 mars prochain. La métropole phocéenne doit, en effet, tenir à ce moment un sommet réunissant tous les poids lourds du secteur, à commencer par les puissantes multinationales locales Veolia et Suez. De quoi rappeler que l’eau est et doit rester un bien commun, accessible à tous au moindre coût et prix.
Et ce ne sont que des exemples parmi d’autres. Privattac, se battant contre les privatisations, a, lui aussi, organisé plusieurs ateliers. Autre initiative : la campagne commune sur l’harmonisation fiscale lancée et coordonnée en Belgique, avec le Réseau pour la Justice fiscale (RJF). En même temps, d’autres associations se forment. Un autre groupe est en train de se constituer autour des conditions particulières de l’Europe de l’Est et plus largement des relations entre pays d’Europe occidentale, majoritairement présents à Fribourg, et de pays dits ‘périphériques’, aussi l’Europe du Sud, le Maghreb, le Machrek, l’Amérique latine….
Certes, tout n’était pas parfait dans cette université. Assurer la parole démocratiquement dans des auditoires proches du millier de personnes n’est pas chose aisée, surtout quand les opinions peuvent diverger assez fortement sur des points précis. Il y a eu quelques tentatives mal appropriées et malheureuses, débouchant sur des cafouillages malgré tout sans conséquences majeures. Ainsi, les organisateurs ne savaient plus très bien s’ils devaient demander aux gens de la salle d’exprimer leur opinion sur papier ou leur proposer d’intervenir au micro, mais de façon très contrainte pour laisser parler tout le monde. Ils hésitaient à privilégier les orateurs au devant de la scène ou à susciter les points de vue parmi des « spectateurs » qui ne voulaient pas rester inactifs. Si bien que les débats et les échanges d’idées ont été relativement faibles lors des plénières, au contraire des ateliers où un public plus restreint - une salle d’atelier pouvait accueillir en général une trentaine de personnes au maximum - pouvait présenter plus librement et ouvertement ses remarques, ses expériences, ses critiques ou ses interrogations.
Autre dilemme : quelles langues fallait-il utiliser ? Le choix était limité à trois : allemand, anglais, français. Dans un événement international, la traduction est une opération lourde à supporter à la fois en termes de ressources humaines et de matériel. La conséquence en fut que certains participants restèrent pour une bonne part hors du coup, notamment des Espagnols. Nous sommes bien loin de la situation idéale où chacun pourrait exprimer son point de vue dans une langue commune.
De même, il est clair que l’Europe de l’Est a été le parent pauvre de l’université. Il y avait peu de représentants de ces régions. Les thèmes abordés incluaient peu la situation dans la zone orientale du continent. Ou alors la manière de l’exposer tenait peu compte du vécu des populations de là-bas. D’où la création d’un groupe qui va traiter spécifiquement la question et l’espoir que lors d’une prochaine édition de l’université à la fois la participation et les discussions incorporeront davantage les préoccupations de l’Est.
C’est donc avec entrain et motivation que nous reprenons cette année d’études, de mobilisation et de luttes. L’expérience universitaire européenne qui nous met en contact avec les réalités et les opinions de plusieurs pays, au-delà de la frontière des langues, nous pousse à créer et développer les coopérations internationales. Pensez donc : une action menée aux quatre coins de l’Europe, une campagne démarrée en même temps, de façon coordonnée, à Berlin, Paris, Bruxelles, Madrid, Vienne, Budapest, Varsovie… Quoi de plus palpitant que de savoir que ce qu’on fait contribue à un mouvement européen de lutte contre cette austérité injuste imposée par les instances communautaires et que ce qu’on dit aux passants de notre quartier est répété en quelque sorte en portugais à Lisbonne ou en finnois à Helsinki ! C’est aujourd’hui la nouvelle réalité d’Attac.
Henri Houben