par Jean FLINKER
À GAUCHE, C’EST PAR OÙ ?
A gauche, une nouvelle bataille idéologique et politique doit s’engager. Sur des bases radicalement différentes de ce qui a été fait jusqu’à présent.
L’Europe a atteint un point de non-retour. La zone euro va vers l’implosion.
La réalité doit être regardée en face : les forces propulsives du mythe européen arrivent en bout de course. Les solutions proposées –de la droite possédante à la gauche possédée– ne feront qu’accélérer la mise en place de politiques s’inspirant, jusqu’à la caricature, des thèses économiques ultralibérales.
Or, il faut d’abord réaffirmer les choses telles qu’elles sont.
En moyenne, les déficits publics –pour lesquels partout se multiplient des plans d’austérité punitive–, ces déficits restent quasi intégralement dus à la crise bancaire, à la récession économique qu’elle a accéléré, aux plans de relance qu’elle a imposés, aux pertes de recettes fiscales entraînées par la baisse de l’activité et des revenus.
C’est bien simple : en 2007 (l’année ayant précédé la récession), si l’on considère les pays de la zone euro, la somme des déficits annuels de leurs finances publiques représentait seulement 0,6% du PIB de la zone. En 2009, leurs déficits s’élevaient à 6,3% (dix fois plus) !
Pour la Belgique ? En 2007, la dette représentait 84% du PIB. Aujourd’hui, elle égale les 100%. Soit 15% que l’on a pris dans les gencives pour… sauver les banques.
LA FIN DES MYTHES
« Le néocapitalisme sera remis au pas », promettaient, il n’y a même pas trois ans, les chefs d’Etat et de gouvernements. C’est, au contraire, le néocapitalisme qui vient de remettre au pas les Etats. Lesquels acceptent, sans conditions, de continuer à pomper la richesse des salariés et des contribuables vers les actionnaires et les financiers –preuve qu’on assiste bel et bien à une radicalisation sans précédent du modèle néolibéral.
Or, il faut d’abord réaffirmer les choses telles qu’elles sont.
« Les marchés » qui déstabilisent la zone euro, sont constitués par les banques privées et privatisées –sauvées de la mort subite par un endettement dithyrambique des États, auxquels elles reprochent aujourd’hui les déficits excessifs…
On aboutit ainsi à une situation parfaitement démentielle, que Noémie Klein avait justement qualifiée de « stratégie du choc ». A travers cette crise ultime, s’accélèrent en effet partout les mesures dures prônées par le patronat et ses donneurs d’ordre, à savoir : saigner les dépenses sociales, privatiser tout ce qui peut encore l’être, casser les salaires, flexibiliser à l’extrême le marché du travail…
L’Europe a désormais une visée et un dessein tout tracés : refuser partout l’endettement public par principe, organiser partout une austérité de long terme tout en assurant –en cas de panique financière– que tout sera (comme par le passé) mis en œuvre pour sauver les banques sans mérite et leurs actionnaires émérites. Quand les instances européennes parlent de « gouvernance » économique, c’est –pour l’essentiel– à cela qu’elles font référence.
Comment sortir de cette crise sans fin ? Et s’opposer efficacement à cette politique turbo-libérale irrésistible que sont en train d’appliquer les aumôniers de « la bonne gestion » (qu’ils appartiennent à la droite irresponsable ou aux partis socialistes responsables) ? Comment faire en sorte que les petites gens, la population, les peuples…, ne fassent plus comme hier, comme aujourd’hui, et ne soient pas contraints demain à payer (une nouvelle fois) l’addition… ?
Commencer à répondre à ces questions n’est rien d’autre que réinitialiser le débat sur le « Que faire, maintenant ? »… sans avoir peur de susciter les controverses et d’aller à la renverse des idées établies, des opinions enfoncées dans les têtes par un pilonnage médiatique généralisé.
S’interroger sur une sortie de ce qu’est devenue l’Union européenne, ce système de domination (conçu pour éradiquer toute politique de gauche au niveau national comme au niveau européen) permet, en réalité, de reprendre une réflexion qui s’était éteinte depuis longtemps. Première condition de réussite à la réalisation d’une « autre Europe » : l’intervention consciente des peuples. Or après cinquante années d’exactions, la démagogie européïste a causé des dégâts difficilement réparables sur le plan civique. Les idées d’une union entre les peuples et nations d’Europe, de solidarité et d’internationalisme ont partout reculé. L’abstention et les votes nationalistes, racistes ou d’extrême droite ont partout progressé. En 1979, lors de la première élection des représentants au Parlement européen, l’abstention s’élevait à 37 % en moyenne. Elle n’a pas cessé d’augmenter depuis, atteignant 59,6 % en 2009.
NOUS REPOLITISER
L’idée qu’il faut « sortir de l’Europe » (comprendre « l’Union européenne ») est en passe de devenir majoritaire, mais pour de mauvaises raisons –fondées sur le nationalisme et la xénophobie et non sur un rejet conscient du néolibéralisme.
Comment se désengager de l’Union européenne telle qu’elle est (détestable) pour ne pas souffrir de celle qui se prépare ? En formulant une stratégie de rupture « concrète, unilatérale, directement applicable ».
Or, force est de le constater. Rien de semblable n’est formulé pour cette urgence –ni par les organisations syndicales, ni par les partis « 100% de gauche » ou les organisations « altermondialistes ». Comme si, pour ouvrir cette vaste perspective, il fallait préalablement –par un effort inouï de désaliénation collective– se désintoxiquer de l’idéologie de l’Union européenne actuelle et accepter intellectuellement l’idée d’en sortir, pour bâtir autre chose.
Jean FLINKER
« S’EN SORTIR SANS SORTIR… ? » : ci-après, tu pourras prendre connaissance d’un texte polémique que j’ai rédigé sur la question européenne et les fausses solutions proposées (dans sa très grande majorité) par la gauche afin de la résoudre.
Une contribution qui (je l’espère) suscitera des réactions et dynamisera, enfin, une réflexion collective enviable.