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Sans doute avez-vous déjà vu ce nom sur des abribus ou des kiosques qui ornent nos villes, en particulier à Bruxelles ? Mais qu’est-ce donc cette firme ? Que fait-elle ? D’où vient-elle ?
Petit portrait d’une firme qui détient une mainmise sur l’affichage publicitaire.
Sans doute avez-vous déjà vu ce nom sur des abribus ou des kiosques qui ornent nos villes, en particulier à Bruxelles ? Mais qu’est-ce donc cette firme ? Que fait-elle ? D’où vient-elle ?
JC Decaux se déclare être « l’un des plus grands groupes mondiaux de communication extérieure » (Site de JC Decaux :). Autrement dit, dans tout ce qui concerne la publicité.
Créée en 1964, elle est présente dans trois secteurs : le mobilier urbain (justement les abribus, les kiosques, les sanitaires...), l’affichage grand format (les grands panneaux publicitaires) et la publicité dans les transports (aéroports, gares, trams et bus). Son fondateur, qui donne le nom à l’entreprise, est Jean-Claude Decaux. On retrouve des Decaux dans tous les organes de direction. La JC Decaux Holding possède près de 70% des actions de la société, le conseil d’administration environ 3% et le reste est dans les mains de particuliers non identifiés. La société est cotée en Bourse.
En 2003, le chiffre d’affaires s’est élevé à 1.544 millions d’euros. Ce qui situe le groupe au niveau de la CMB contrôlée par la famille Saverijs, de l’entreprise Janssen Pharmaceutica (appartenant à la multinationale Johnson & Johnson), du groupe Caterpillar en Belgique, du groupe Louis Delhaize (qui détient les chaînes de magasins Cora, Match... ; à ne pas confondre avec la multinationale Delhaize Le Lion). Son bénéfice est honorable : 20 millions d’euros en 2000, 10 en 2001, 26 en 2002 et 41 millions en 2003.
Mais ce profit se déclare après une dotation aux amortissements des écarts d’acquisition d’environ 70 millions d’euros. Ces écarts s’inscrivent dans l’actif comme des survaleurs par rapport aux prix versés pour des participations dans des firmes. L’achat de titres d’une société a coûté 5 millions d’euros, mais le cours boursier fait passer ce montant à 12 millions. Il y a une valeur supplémentaire de 7 millions qui peut être actée dans la comptabilité. La question est de savoir si on peut amortir, c’est-à-dire prendre régulièrement sur ce montant pour le faire « disparaître » (par exemple 1 million pendant 7 ans). Il est clair qu’en termes de rentrées, cet argent n’existe pas. Et les organes de contrôle des opérations boursières sont de plus en plus d’avis d’éliminer cette possibilité. Dans ce cas, le profit se monterait à plus de 100 millions d’euros. Une somme pour laquelle il vous faudrait, si vous gagnez environ 20.000 euros par an, travailler 5.000 ans.
Mais le plus impressionnant est la position de domination qu’a acquise JC Decaux. Présente dans 43 pays, avec 627.000 panneaux publicitaires, elle touche plus de 150 millions d’usagers. Elle a obtenu le contrat publicitaire dans quelque 3.000 villes de plus de 10.000 habitants. Et cela risque de durer car ces accords portent sur des longues périodes : de 12 à 25 ans pour le mobilier urbain, 6 ans pour l’affichage grand format et de 5 à 12 ans pour les transports.
JC Decaux s’établit comme un véritable monopole privé : numéro 1 mondial dans le mobilier urbain, avec 290.000 faces publicitaires dans 37 pays ; numéro 1 européen dans l’affichage grand format avec 192.000 faces dans 28 pays ; numéro 1 mondial dans les aéroports avec 145.000 faces publicitaires dans 147 aéroports et 150 systèmes ferroviaires et bus, présents dans 19 pays. Elle en est fière et le clame bien haut, puisque ces données sont reprises directement de son site Internet.
JC Decaux domine le marché européen avec 75% de la communication extérieure en Suisse, 60% en Finlande et au Danemark, 55% au Portugal, 43% en Suède, 40% en Belgique et en Autriche, 36% en France, 34% en Espagne 30% aux Pays-Bas, 24% en Grande-Bretagne, 22% en Irlande, 20% en Italie et 10% en Allemagne. Dans tous ces pays (sauf en Allemagne), JC Decaux est soit numéro 1, soit numéro 2. Globalement, elle détient environ 30% du marché européen (JC Decaux, rapport annuel 2002). Qui a parlé de libre concurrence ?
Il semble bien que la firme tient à faire régner en matière de justice et de débat sur la publicité la même règle que sur les marchés qu’elle contrôle : la loi du silence (pour ceux qui contestent cette domination et cette avalanche publicitaire). Il est étonnant que des hommes politiques se plaignent du monopole lorsqu’il s’agit d’entreprises publiques. Mais quand il s’agit d’une firme familiale privée qui détient 40% du marché d’affichage publicitaire belge (et sans doute Clearchannel également 40%, ce qui fait 80% à deux), dont on voit le mobilier et les panneaux partout (à Bruxelles notamment), quelles sont les voix qui s’élèvent ?