Compte-rendu du débat lors de la 5e fête d’anniversaire d’Attac-Bxl1 (14 mars 04)
Le grand hall du théâtre de La Balsamine était bien plein ce samedi après-midi, pour écouter le débat autour de la proposition de loi sur la taxe Tobin, en compagnie de 4 députés fédéraux. Seul représentant des opposants à la taxe, François-Xavier de Donnea pour le MR a tenu à souligner que si les objectifs de la taxe Tobin-Spahn sont tout à fait louables, celle-ci ne résoudra pas tous les problèmes auxquels ses promoteurs entendent s’attaquer. Pour l’efficacité de l’aide au développement, il a souligné l’importance de la construction d’Etats de droit solides. Quant aux aspects fiscaux, il a mis en exergue cinq nuances que les libéraux veulent faire entendre dans le débat : la taxe devrait être mise en œuvre dans un cadre très large, au minimum l’OCDE ; la proposition belge manque d’une force coercitive pour l’application de la taxe ; l’assiette de la taxe doit encore être précisée ; par ailleurs toute spéculation n’est pas mauvaise (par exemple le “ hedging ” ou assurance contre les fluctuations des taux de change) ; enfin le placement de la trésorerie des entreprises “ permettrait de sauver des emplois ”. L’assemblée a souri à ce dernier argument…
Du côté des pour, Zoé Genot (ECOLO) a jugé qu’on avait assez débattu de la proposition et qu’il était désormais temps de voter. Tout au plus, selon elle, pourrait-on discuter de la clause qui veut que la loi n’entrera en vigueur que quand tous les autres pays européens membres de la zone euro auront fait de même. Pour le PS, Karine Lalieux a insisté sur l’indispensable “ grain de sable ” qu’on glissera dans les marchés financiers et sur l’objectif de redistribution face à la taxation des revenus du travail. Enfin, Jean-Jacques Viseur a pu annoncer que son parti, le CDh, était désormais partisan de la taxe. Il a néanmoins émis plusieurs bémols : la taxe Tobin-Spahn n’enraiera pas toute spéculation ; la faire voter dans tous les pays européens ne sera pas chose facile ; enfin les deux objectifs de la taxe (lutte contre la spéculation et aide au développement) peuvent aussi être atteints par d’autres instruments et il convient donc de continuer à se battre sur tous les fronts. Il a par contre souligné le fort impact symbolique d’une telle taxe et l’indispensable contribution des capitaux à l’impôt.
Durant le débat, l’assistance a insisté sur le lien entre taxe Tobin et loi sur les sociétés de clearing (enregistrant toutes les transactions de capitaux, elles prouvent que la mise en œuvre d’une telle taxe est techniquement possible). Nos députés se sont prononcés à l’unanimité en faveur d’une telle réglementation. La question des centres de coordination (pour lesquels la Belgique est un paradis fiscal) est aussi revenue sur le tapis. Nos élus ont insisté sur l’importance d’une action coordonnée au niveau européen, car chaque Etat membre est actuellement un paradis fiscal pour les ressortissants des pays voisins. Air connu…
Plusieurs personnes ont souligné la contradiction entre la réforme fiscale et l’amnistie fiscale d’une part, et le peu d’enthousiasme de notre gouvernement à lutter contre la fraude fiscale d’autre part. Dans un bel élan de sincérité, Karine Lalieux a reconnu que si le PS avait été dans l’opposition, il n’aurait pas voté l’amnistie fiscale. Ce qui ne l’a pas empêchée ensuite de plaider pour la réhabilitation de l’impôt… et même de se faire applaudir quand elle évoqua la taxation du capital. Dommage que nos militants se soient laissés piégés par ce double langage.
Car on attend surtout de voir comment chaque parti (et en particulier le PS, si soucieux de fidélité aux accords gouvernementaux) se comportera dans la suite du parcours législatif, qui pourrait être encore long. Après l’audition d’experts par la commission globalisation, qui a lieu le 3 mars dernier, cette commission devrait remettre un avis à la commission des finances de la Chambre. C’est là qu’on doit s’attendre à des manœuvres dilatoires : les membres de cette commission pourraient réclamer un nouveau débat, des amendements pourraient être déposés. Mais une fois la proposition votée dans cette commission, on connaîtra l’équilibre des voix sur la question et le reste du parcours devrait être plus formel. Du moins en théorie…
On est donc encore loin du but. Pour maintenir la pression, le Réseau contre la Spéculation Financière organisera une conférence de presse sur la taxe Tobin ce 8 avril. A cette occasion sera dévoilé un pin’s taxe Tobin, que nos militants sont appelés à porter, de même que des personnalités. Une rencontre européenne est aussi programmée le 28 avril, pour porter le débat au niveau européen.
Jean-Marie Coen