POUR LE CENTIÈME anniversaire de la Révolution bolchevique, les grands médias ont fait comme d’habitude : de leur mieux… En guise de bilan historique : des articles, des dossiers, des documentaires destinés à définitivement dégommer cet événement « apocalyptique », « irréaliste », tout simplement « immonde ».
Laissons donc de côté la presse de haut niveau qui –pour la circonstance– s’est laissée entraînée dans le journalisme de caniveau.
Les partis communistes –constitués dès 1921 dans la plupart des pays occidentaux– ont, en réalité, été confrontés à des problématiques concrètes… en rien surannées : ces questionnements sont, au contraire, d’une perturbante actualité.
Comment, en effet, mobiliser la population contre l’imminence de nouvelles guerres ? Quelles pratiques mener pour soustraire le peuple ouvrier de l’influence social-démocrate (qu’elle soit politique ou syndicale) ? Que faire dans les institutions d’Etat pour les subvertir (alors que, par les élections, on a gagné des représentants au sein des Conseils communaux et à la Chambre des députés) ? Dans le champ culturel, que doit être un art « nouveau » rompant définitivement avec l’académisme et les valeurs bourgeoises ?
Cas d’école, traité dans ce numéro exceptionnel d’Angles d’Attac [le journal illustré d’Attac-Bruxelles 1] ? La naissance du Parti communiste de Belgique –de ses premiers coups d’éclat à ses premières victoires…
« Lénine, Trotsky et leurs acolytes ont invité les soldats russes à déserter le champ des combats… pour obéir aux Boches qui les finançaient », détaillait déjà Le SOIR en 1921. « Lénine n’est qu’un homme du peuple quelconque, complètera le socialiste Jules Destrée, où il y aurait eu du Mongol et du Boche… Socialiste ou pas, un Russe n’est que le fils d’un alcoolique, le petit-fils d’un esclave et le descendant d’un barbare d’Asie »… Quel est donc le dessein qui unit, à ce moment-là, bourgeois et socialistes apeurés ? Contrecarrer cette attirance qui porte les petites gens à admirer les promesses de la révolution soviétique. Le 31 mai 1921, Le Peuple a en effet annoncé : « Les groupes connus sous le nom "Les Amis de l’Exploité" ont décidé de quitter le Parti Ouvrier et de former un Parti Communiste ».
Entré dans la vie professionnelle à l’âge de 14 ans comme ouvrier chaudronnier, Julien Lahaut est licencié de l’usine Cockerill lors de la grève de 1902. Six années plus tard, il est mis à la porte des Cristalleries du Val Saint-Lambert. Il devient alors Secrétaire syndical. Un mandat qui ne le protège d’aucune manière : en 1913, il est incarcéré pendant la grève générale en faveur du suffrage universel. Après la Première guerre, il reprend avec verve ses activités militantes et, lors du conflit à Ougrée-Marihaye, on va naturellement le retrouver en première ligne. De février à novembre 1921, l’usine sidérurgique liégeoise sera en effet paralysée par le plus long conflit de l’histoire sociale belge. Lahaut s’y fera un nom et un renom. Le PCB y gagnera un grand dirigeant.
En 1923, les autorités tentent de liquider légalement le jeune Parti en le mettant hors-la-loi. Ses principaux dirigeants sont arrêtés, jetés en prison avant d’être déférés devant la Cour d’Assises. On les accuse d’avoir comploté pour renverser l’Etat. Au bout d’un procès-marathon, la Justice est finalement obligée de tous les acquitter. Au grand dam du Ministère public…
Vu l’impossibilité pour l’État de faire disparaître le PCB en s’appuyant sur le droit pénal…, une autre manière de contenir l’organisation communiste sera déployée : épauler les initiatives privées décidées à défendre « coûte que coûte » la pérennité de l’Etat bourgeois. Dans les milieux de droite et surtout d’extrême-droite, la hantise croissante du « péril rouge » a en effet rapidement débouché sur la constitution d’officines –chargées de surveiller les agissements « subversifs »– et de groupes que l’on pourrait qualifier de « cagoulards ».
En 1926, Joseph Jacquemotte a été désigné Conseiller communal par le corps électoral de Molenbeek. Lors de la séance d’installation des nouveaux élus, l’obligation de « jurer fidélité au Roi, à la Constitution et aux lois du peuple belge » n’efface en rien ses sentiments républicains. Le fondateur du PC préviendra ainsi ses collègues : « Nous ne participerons pas à l’élection du nouveau Collège échevinal dans lequel bourgeois et réformistes collaboreront. Nous démontrerons que les membres du groupe socialiste de ce Conseil ont abandonné les éléments essentiels du programme pour la réalisation duquel, à la veille des élections, ils déclaraient vouloir combattre. Malgré notre prestation de serment, nous restons fidèles à la seule loi qui compte pour nous : la loi de la révolution ».
En août 1933, Henri Storck entame la préparation de son film le plus notoire. A bien des égards, Misère au Borinage a presque tout inventé. Première expérience de mise en fiction du réel, premier point de vue documenté, première plongée dans le social d’un pays déjà en phase de décomposition. Avec cette œuvre pionnière, Storck se met nettement du côté de la révolte. Dès sa première projection, le film fait d’ailleurs scandale et provoque la polémique. Borinage est interdit de diffusion durant une année entière dans toutes les Maisons du Peuple –le POB appelant à le boycotter
L’exposé le plus révélateur que Magritte ait jamais consacré à son inclination politique reste une conférence La Ligne de vie –prononcée le 20 novembre 1938 au Palais des Beaux-Arts d’Anvers. Ce dimanche-là, devant un auditoire de 500 personnes, le peintre fait forte impression. « D’autres hommes, parmi lesquels je me range avec fierté, malgré l’utopie dont on les taxe, veulent consciemment la révolution prolétarienne qui transformera l’espérance ; et nous agissons dans ce but, chacun selon les moyens dont il dispose ». Magritte adhèrera, par trois fois, au Parti…
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