% ATTAC - Bruxelles 1 %
Accueil > Journal Angle d’Attac > Angle Attac (février 2004) /4-4 : Attention ! Une restructuration peut en (...)

Angle Attac (février 2004) /4-4 : Attention ! Une restructuration peut en cacher une autre

Restructurez, qu’ils disaient. Et vous verrez, votre entreprise ira beaucoup mieux.
Sur cette rengaine, les plans se multiplient : suppression de 3.000 emplois chez Ford, fermeture de Pauwels Trafo à Gand, annonce de liquidation des bassins sidérurgiques de Liège et de Charleroi, 140 postes menacés à Bombardier Bruges, 136 chez Umicore, sans compter les « dégraissages » programmés à la Poste, à la SNCB... On est loin des 200.000 emplois promis par le gouvernement Verhofstadt.
Mais au lieu de se lamenter sur ce triste sort, interrogeons-nous plutôt sur deux questions essentielles. D’abord, comment se fait-il que les restructurations ne permettent pas d’en sortir, que finalement elles engendrent de nouvelles restructurations et un processus sans fin ? Ensuite, n’y a-t-il vraiment rien à faire contre ces pertes d’emploi ?


Retour au coeur du capitalisme

Dans le capitalisme, la croissance économique est identifiée à la hausse du produit intérieur brut (PIB). Le PIB est la richesse marchande créée en un an dans un pays. Autrement dit, c’est la valeur ajoutée au cours de l’année. Mais celle-ci est répartie en deux composantes : l’une sert à rémunérer le personnel, ce sont les salaires ; l’autre va aux détenteurs de capitaux, de façon générale.
Les revenus attribués aux salariés sont destinés essentiellement à la consommation. En revanche, ce qui revient aux détenteurs de capitaux n’est pas nécessairement consommé. Cet argent peut être aussi placé ou investi.
S’il est placé, il sort du circuit économique traditionnel et entre dans les mécanismes financiers. Qu’il soit ou non remis en circulation dans l’économie réelle dépend alors des marchés.
S’il est investi - et c’est le cas que nous allons supposer -, il sert à augmenter les biens de production, c’est-à-dire les bâtiments, les machines, les outils qui permettront à l’avenir de réaliser davantage de biens de consommation. Mais, ce faisant, les détenteurs de capitaux restreignent d’une certaine façon les montants alloués à la consommation puisqu’ils consacrent plus d’argent à l’investissement.
Il y a une contradiction entre les revenus destinés à la consommation et les investissements qui poussent à accroître la production. Cela débouche sur la crise de surproduction.
Prenons un exemple simple. Si les salariés reçoivent une somme globale équivalente à 50 et qu’il en va de même pour les détenteurs de capitaux (ce qui fait un montant total des revenus de 100), on fera l’hypothèse que les travailleurs achèteront pour 50 de biens de consommation et que les capitalistes pour 40. Le restant, soit 10, sera consacré à l’investissement, c’est-à-dire à l’acquisition de biens de production. A ce niveau, il y a équilibre.
Mais admettons que, poussés par la concurrence ou par le désir d’élever leurs revenus, les capitalistes veulent investir maintenant non plus 10, mais 15. De ce fait, ils accroissent l’achat de biens de production. Sur cette base, la production de biens de consommation devra normalement s’élargir. Si on suppose que les conditions sont inchangées et si 10 investis servent à fabriquer 90 de biens de consommation, on peut estimer que la dépense de 15 débouchera sur une production de 135 de biens de consommation.
Or, l’argent destiné à la consommation aura été réduit de 5, les 5 qui sont consacrés à l’investissement et non plus à la consommation. Il y a donc un processus qui, d’un côté, pousse à la hausse de la production et, de l’autre, à la restriction du pouvoir d’achat global. C’est cela qui aboutit à la crise de surproduction.

La restructuration engendre la restructuration

Quelles conséquences apportent les restructurations dans ce cadre ? Elles accentuent le phénomène. En effet, leur but est d’augmenter encore la part qui va au capital et donc de limiter ce qui est destiné aux salariés.
A terme, au lieu de résoudre la crise ou de l’atténuer, cela l’aiguise davantage.
Les capitalistes, poussés par des intérêts personnels, ne veulent d’ailleurs pas trouver une solution à la crise, en restructurant. Ils laissent cela au marché ou aux éventuels planificateurs (s’il en reste). Ce qu’ils cherchent, c’est à s’en sortir eux.
Il y a une plaisanterie qui circulait au Japon, lorsque le pays était considéré comme le compétiteur numéro un dans le monde. Deux hommes, un Japonais et un Occidental, se promènent dans la brousse. Soudain, ils rencontrent un lion. Le Japonais s’assied et se met à lasser convenablement ses chaussures de course. L’Occidental lui demande : « tu comptes courir plus vite que le lion ? » Et le Nippon lui répond : « Non, j’ai seulement l’intention de courir plus vite que toi ».
Le problème est que le lion, comme animal, peut se rassasier d’un homme et laisser le second s’enfuir. Comme phénomène économique associé à la crise, il est peu probable qu’il ne s’en prendra pas aussi au second. La restructuration aide peut-être à courir plus vite, à être plus concurrentiel, mais face à la crise enracinée au coeur du système, elle est totalement inefficace, voire même dangereuse.

Rien à faire ?

La conclusion de ce raisonnement pourrait être qu’il faut changer le capitalisme. C’est à coup sûr justifié. Pour cela, seulement, il faut une volonté populaire et un rapport de forces. Deux éléments qui n’existent pas spontanément et qu’il faut donc construire, ce qui demande du temps.
En attendant et pour bâtir cette conscience, que fait-on ? A mon avis, outre soutenir la lutte de ceux qui perdent leur boulot, il faut interpeller l’Etat et les hommes politiques. Ce n’est pas vrai qu’ils sont impuissants. C’est à eux de défendre l’emploi, par exemple, en s’attaquant aux multinationales et aux détenteurs de capitaux.
Sur le plan des restructurations et des pertes d’emploi, la loi Decroly, imposant des sanctions contre les firmes qui licencient sans prévoir un reclassement du personnel menacé, est un point de départ. Mais il peut y en avoir d’autres.
Ces hommes politiques peuvent parfaitement condamner la chasse programmée à l’encontre des chômeurs et s’y opposer fermement.
Et, puisqu’il y a une échéance électorale sous peu, nous pouvons voter pour les partis et les candidats qui s’appuient sur ces points, et non plus pour ceux qui disent qu’il n’y a rien à faire ou, pire, qui affirment que seul le marché pourra résoudre ce problème.

Houben Henri

RTF - 12 ko

SPIP