Soutien aux travailleurs qui luttent contre la dégradation sociale
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Ford ferme l’usine historique de sa filiale Jaguar à Coventry. Volkswagen annonce un plan pour retourner aux 40 heures semaine (contre 28,8 heures en moyenne selon l’accord de 1993) sans hausse salariale. Sinon, c’est la perte de 30.000 emplois en Allemagne. General Motors veut supprimer en deux ans 12.000 postes dans ses unités européennes, dont 10.000 en Allemagne et la fermeture possible du site de Bochum. Siemens a obtenu l’allongement du temps hebdomadaire à 40 heures contre 35 auparavant en Allemagne. Même chose pour Robert Bosch en France.
Et on pourrait ainsi continuer la liste. Voilà le modèle social européen aujourd’hui.
Soutien aux travailleurs qui luttent contre la dégradation sociale
Ford ferme l’usine historique de sa filiale Jaguar à Coventry. Volkswagen annonce un plan pour retourner aux 40 heures semaine (contre 28,8 heures en moyenne selon l’accord de 1993) sans hausse salariale. Sinon, c’est la perte de 30.000 emplois en Allemagne. General Motors veut supprimer en deux ans 12.000 postes dans ses unités européennes, dont 10.000 en Allemagne et la fermeture possible du site de Bochum. Siemens a obtenu l’allongement du temps hebdomadaire à 40 heures contre 35 auparavant en Allemagne. Même chose pour Robert Bosch en France.
Et on pourrait ainsi continuer la liste.
Que se passe-t-il ? Pourquoi tolérer ces pertes d’emploi alors que le taux de chômage atteint 8,1% dans l’Union des 15 et même 9,6% en Allemagne (3,7 millions de personnes) ? [1] Pourquoi accepter ces allongements du temps de travail, après des décennies de luttes pour avoir la semaine des 40 heures, puis des 35 heures ? En même temps, les dirigeants européens organisent la chasse aux chômeurs partout dans les pays membres de l’Union, pour qu’ils acceptent n’importe quel emploi, même mal payé, même temporaire, même à temps partiel (ou payé à temps partiel). Pourquoi ? Où est ce modèle social européen, tant vanté dans les textes d’orientation de l’Union ?
Les dirigeants européens vantent le modèle de libre concurrence [2] comme indépassable, comme étant celui qui apporte la plus grande prospérité. Pourtant, c’est l’application de ce modèle qui met à terre aujourd’hui tant d’emplois dans l’industrie automobile, par exemple. C’est la concurrence intense que se livrent les géants du secteur, General Motors, Ford, Volkswagen, DaimlerChrysler, Fiat, Peugeot, Renault, Toyota, Nissan, Honda..., qui entraînent que certaines entreprises « gagnent » et d’autres perdent. Or, pour « gagner », il faut être le plus compétitif, donc produire le plus de voitures possible avec le moins de personnel possible. Et, quand on perd, il faut dégraisser. Toujours selon cette logique. D’où les firmes qui vont moins bien licencient en masse.
C’est cette concurrence tant louée qui pousse chaque firme à investir tant et plus dans de nouvelles capacités : par exemple, dans l’automobile, dans les pays de l’Est européen et dans le secteur des monospaces. Mais les populations ne sont pas en état d’acheter la totalité des marchandises que ces investissements permettent de produire. Résultat : en Europe de l’Ouest, sont installées des capacités pour vendre 20 millions de voitures particulières par an ; mais en 2003 les constructeurs n’avaient vendu que 14,2 millions de voitures [3]. D’où une lutte à couteaux tirés entre les géants pour vendre quand même et donc le faire à n’importe quel coût, avec dès lors réduction d’emplois.
Les dirigeants européens chantent également les vertus de la mondialisation. Or, les firmes allemandes utilisent le chantage à la délocalisation pour justifier la dégradation sociale. Ainsi, la fameuse mondialisation qui allait apporter le bien-être à tous amène, en fait, l’allongement du temps de travail, les pertes de salaires, etc. Exactement le contraire des promesses lancées.
Les firmes justifient également leurs décisions par les pertes subies. La filiale de General Motors en Europe n’a plus réalisé de bénéfices depuis 1999. Celle de Ford est également dans le rouge. Volkswagen ne l’est pas, mais son profit est insuffisant. Même chose pour Siemens ou Robert Bosch. Ainsi, pour la plupart, ce n’est pas une situation désespérée qui conduit à ce démantèlement social, mais la recherche d’un bénéfice maximum. En dix ans, de 1994 à 2003, General Motors a réalisé, par exemple, un profit net cumulé de 43 milliards de dollars (4,3 milliards par an [4].). Ford, quant à lui, a accumulé durant la même période 47,7 milliards de dollars. Siemens, 23,4 milliards. Ford a distribué plus de 20 milliards de dollars de dividendes, General Motors plus de 13 milliards.
Il est clair que cet argent pourrait permettre à des milliers de travailleurs de conserver leur emploi. Mais ce n’est nullement l’intention des dirigeants européens de réclamer que cela soit le cas. Au contraire, ils se déclarent incompétents, incapables de régler ce problème, cette déstructuration du système social.
Et voilà bien le paradoxe scandaleux de la société européenne : d’un côté, des gens perdent leur emploi, voient leurs conditions de travail et de vie se dégrader pendant que de l’autre, certains, un minorité, s’enrichissent de plus en plus. Pendant que les salariés se trouvent devant des difficultés de fermetures, de chantage à la délocalisation, de menaces de pertes de pouvoir d’achat, le World Wealth Report, publié par deux sociétés de services informatiques et financiers, révèle qu’il y a en Europe 2,6 millions de personnes qui disposent d’une fortune supérieure à un million de dollars. Au total, ces riches possèdent un patrimoine financier de 8.700 milliards de dollars. [5] Autant quasiment que le produit intérieur brut de l’Union européenne.
Et la « libre concurrence », la « mondialisation », ..., servent en fait à accroître cette richesse. Même si, par ailleurs, en même temps, comme conséquence même, les conditions de vie et de travail de la majorité laborieuse, elles, se détériorent.
De ce fait, les travailleurs allemands qui refusent cette dégradation ont raison. Les salariés d’Opel Bochum qui n’acceptent ni la fermeture de leur usine, ni les licenciements doivent être soutenus. Comme d’ailleurs le personnel des hautes écoles ou des soins de santé et du non-marchand en Belgique. Ils sont à la pointe du combat contre la mondialisation capitaliste. Ils sont le fer de lance contre les politiques de libéralisation prônées au niveau européen. Ces luttes doivent être popularisées. Ce sont ces gens qui se battent qui défendent le mieux le modèle social européen.
[1] Commission européenne, Employment in Europe 2004. Recent Trends and Prospects.
[2] On pourrait déjà discuter pour savoir s’il s’agit bien de libre concurrence, car, dans la plupart des secteurs, ce sont des géants mondiaux qui s’affrontent et qui luttent sur tous les plans, économiques, politiques, voire militaires. On est très loin des fameux modèles abstraits de libre concurrence.
[3] Source : ACEA (Association des Constructeurs Européens d’Automobiles).
[4] Beaucoup de pays d’Afrique centrale ne disposent pas d’un PIB de cette ampleur.
[5] Capgemini & Merrill Lynch, World Wealth Report 2004, p.7.