Les médiamensonges du commissaire au Commerce
par
Transparence, démocratie, citoyenneté, quel est le politique qui n’a pas constamment ses mots à la bouche ? Surtout quand on devient commissaire européen et qu’on doit présenter sa candidature devant le parlement européen.
C’est le cas de Peter Mandelson. Mais quand on voit qu’il a défendu des positions opposées quelques années avant son mandat, on peut douter de sa sincérité.
L’art de communiquer ou l’hypocrisie comme politique du commissaire au Commerce
Comme tout commissaire avant son mandat, Peter Mandelson est passé par une audition devant le parlement européen. Celui-ci donne un avis sur les différents commissaires avant un vote sur l’ensemble de l’équipe. On sait que, cette fois-ci, il y a eu quelques difficultés. La nouvelle Commission a été rejetée, dans un premier temps. Les propos discriminants du représentant italien Rocco Buttiglione ainsi que les écarts de l’élue lettonne ont obligé le président, Manuel José Barroso, à revoir sa copie.
Ce n’est pas Mandelson qui a posé problème. Seuls les Verts et la Gauche unie (différents partis de gauche, en tous les cas à gauche du parti social-démocrate) se sont opposés à l’évaluation positive du nouveau commissaire au Commerce.
Pourtant, ce n’est pas que les difficultés à la nomination n’existaient pas. Peut-on accorder le poste à quelqu’un qui a dû démissionne deux fois de sa situation de ministre à cause de faveurs indues et d’abus de sa position influente ? Peut-on faire confiance à un homme politique qui entretient des relations assez secrètes avec le monde transatlantique ? Est-il le commissaire de tous les Européens ou uniquement celui des entreprises, vu son passé et ses liens ?
Mais il y a encore une question encore plus élémentaire qui n’a pas été réellement posée et où les parlementaires se sont contentés de l’art de la communication - pouvons nous dire l’art du mensonge ou du non-dit ? - du « spin doctor » de Tony Blair. C’est celle des relations avec le parlement européen.
Devant celui-ci, Peter Mandelson a montré patte blanche, se faisant le défenseur ardent d’une communication transparente avec les élus du peuple. Il avance qu’il ira plus loin que les normes imposées. Il se fera le champion de l’information. Ainsi, il promet de transmettre directement aux parlementaires les documents stratégiques traités par le comité 133, l’organe presque secret de l’administration qui traite du commerce [1]. Sauf, bien entendu, « en cas de contenu particulièrement sensible, conformément aux règles normales de sécurité de nos institutions » [2].
Mais peut-on croire ces boniments ? Dans un texte antérieur, Peter Mandelson manifeste son mépris du parlement européen. Citons-le in extenso, cela vaut la peine :
« Le plus important, à mes yeux, est cependant de renforcer le rôle du Conseil européen, travaillant main dans la main avec une Commission performante, afin d’accroître l’efficacité de l’Europe dans les domaines sur lesquels les leaders européens démocratiquement élus ont choisi de concentrer leurs efforts. Dans mon modèle institutionnel, le Conseil jouit d’une légitimité démocratique fondée sur les gouvernements élus des Etats membres, dont la Commission et le Parlement sont dénués. Nous ne résoudrons pas le problème du manque de légitimité du Parlement européen en le dotant sans arrêt de nouveaux pouvoirs. Nous avons essayé cette solution pour pallier le « déficit démocratique » au cours des deux dernières décennies, sans succès. Parallèlement à l’augmentation des pouvoirs du Parlement, le public a continué à se désintéresser et le taux de participation aux élections européennes a chuté, dans toute l’Union.
Je concède qu’il existe un problème majeur dans la relation entre la Commission et le Parlement, mais ce problème n’est pas celui auquel on pense. A mes yeux, la Commission est trop inféodée au Parlement, depuis la présidence de J.Santer [3]. Pourtant, la plupart des pro-européens commettent, à mon avis, l’erreur de vouloir renforcer le pouvoir du Parlement au détriment de la Commission, en lui donnant le droit de choisir le Président de la Commission » [4].
Le parlement n’a pas de légitimité démocratique. On ne résoudra pas le problème du « déficit démocratique » en accordant plus de pouvoirs au parlement. En particulier, pourquoi donner au parlement le droit d’élire le président de la Commission ? Voilà les propos de Mandelson, sur lesquels il n’a pas été interrogé. Pense-t-il toujours la même chose ? Cela me paraît fondamental de le savoir, s’il veut assurer une bonne communication avec ces élus dépourvus de légitimité démocratique.
Voilà un très mauvais début pour la transparence que le « prince des Ténèbres » dit vouloir promouvoir.
Henri Houben
[1] Le nom de comité 133 vient du fait qu’à l’origine, l’article des traités qui concerne le commerce international est le numéro 133.
[2] Peter Mandelson, « Audition du parlement européen. Réponses au questionnaire du commissaire désigné. Partie B - Questionnaire spécifique », octobre 2004, p.4.
[3] Soit 1995.
[4] Peter Mandelson, « Pro-Europe, pro-réforme : Une vision progressiste pour l’Union européenne », En temps réel, Les Cahiers, n°2, mars 2002, p.13. Site : En temps réel