Comment deux organisations représentatives lisent le texte de la « Constitution européenne » ?
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Pendant que la CES se confond pratiquement en excuses pour avouer son soutien au traité constitutionnel, son pendant patronal, à savoir l’UNICE, n’hésite pas et ne se restreint guère dans son approbation. Ce n’est pas inintéressant que ce que les patrons trouvent positif dans le texte est justement ce que dénonce Attac.
Pendant que la CES [1] se confond pratiquement en excuses pour avouer son soutien au traité constitutionnel, son pendant patronal, à savoir l’UNICE [2], n’hésite pas et ne se restreint guère dans son approbation.
Dans un texte récent, il justifie son choix : « En général, l’UNICE salue le document final » [3].
Qu’est-ce qui enchante particulièrement les représentants patronaux : « Une référence à une Union européenne « hautement compétitive » a été incorporée dans la première partie de la Constitution parmi les objectifs de l’Union. C’est un changement considérable, car dans l’actuel traité de l’Union européenne, la compétitivité n’est pas mentionnée. Elle est juste mentionnée dans le traité établissant une communauté européenne. De la sorte, la nouvelle Constitution donne à la compétitivité une place plus importante » [4].
Autrement dit, ce qu’Attac trouve comme l’élément le plus scandaleux, le plus dangereux, le moins acceptable du traité constitutionnel, car inscrivant « dans le marbre » le credo libéral, l’UNICE l’estime comme l’avancée la plus remarquable. Ce qui montre qu’Attac a vu juste dans son analyse du texte.
Mais l’UNICE poursuit. Elle détaille les points qu’elle trouve positifs dans le projet constitutionnel. Notons dans ceux-ci : la réaffirmation d’une Commission forte, « conservant le droit exclusif d’initiative » [5]. Cela veut dire que seuls les commissaires peuvent déposer des projets de loi au niveau européen. Ce que tout démocrate devrait considérer comme une hérésie, l’UNICE le trouve remarquable. Pourquoi ? Parce que justement cela permet aux instances européennes de mieux rencontrer les desiderata des grandes multinationales européennes et de ne pas se laisser « distraire » par les préoccupations des simples gens.
L’UNICE salue également que la Banque centrale européenne demeure gouvernée par une équipe d’experts « indépendants », qui fixent la stabilité des prix comme objectif central. Ce qui est un autre credo libéral, permettant de ne pas s’occuper du social et de l’emploi.
L’UNICE est heureuse qu’une taxe européenne n’ait pas été introduite et qu’à ce niveau les décisions soient toujours prises à l’unanimité des Etats membres. Autrement dit, un gouvernement peut empêcher tout rapprochement des impôts européens. La concurrence fiscale est de mise, permettant de tendre vers l’impôt zéro pour les capitaux. L’Irlande peut ainsi attirer les investissements en les taxant seulement à 10%, alors que, dans la plupart des autres pays, ce taux est encore de 30%.
Enfin, l’UNICE est satisfaite du chapitre social du texte et surtout que les votes, là aussi, doivent obtenir l’unanimité. De cette façon aussi, les entreprises peuvent continuer à jouer sur la compétition entre travailleurs pour abaisser les conditions sociales (salaire, charges sociales, emploi, flexibilité, etc.).
Quand on lit la position de l’UNICE vis-à-vis du traité constitutionnel et les points qu’elle y évalue comme positifs, on ne peut que s’étonner de voir des représentants de gauche ou des organisations syndicales estimer, eux aussi, le texte comme une avancée.
Henri Houben
[1] Confédération européenne des syndicats, qui regroupe l’essentiel des syndicats européens.
[2] Confédération européenne patronale.
[3] UNICE, « Treaty establishing a Constitution for Europe. Synthesis Note », octobre 2004, p.17.
[4] UNICE, « Treaty establishing a Constitution for Europe. Synthesis Note », octobre 2004, p.14.
[5] UNICE, « Treaty establishing a Constitution for Europe. Synthesis Note », octobre 2004, p.18.