A quand des conditions de travail meilleures pour les salariés de l’aéroport ?
Licenciement d’une mandataire syndicale
par
Maria Vindevoghel, c’est la blonde « omniprésente » lors du combat contre la fermeture de la Sabena. Aujourd’hui, elle est de nouveau licenciée. Mais, cette fois-ci, elle est seule. Car c’est pour son mandat syndical qu’elle perd son emploi.
Ce sont les conditions de travail et leur éventuelle amélioration qui sont en jeu. Maria veut imposer des règles légales qui respectent la vie sociale et familiale des salariés. Or, au nom de la compétitivité, la direction de Flight Care n’en veut pas. Elle veut pouvoir décider pratiquement ce qu’elle veut. Elle ne tient pas à s’embarrasser d’une délégation syndicale (qui pourrait demander des comptes ou l’obliger à signer des conventions protégeant les travailleurs), ni du respect de conditions élémentaires pour les salariés.
On est ici au cœur de l’enjeu concret de l’Europe que l’on veut. L’Europe de la compétitivité est un chèque en blanc accordé aux directions d’entreprise : celles-ci peuvent charger les salariés au maximum de leur possibilité dans le but d’accroître les bénéfices (qui profiteront aux actionnaires). L’Europe de la solidarité impose que les salariés soient au centre de la vie économique, sociale, politique, culturelle. Donc améliorer leur situation de travail est un objectif majeur.
Pour suivre l’actualité de cette affaire qui nous intéresse tous, en tant que salarié, chômeur, pensionné, etc., et aussi en tant qu’utilisateur (potentiel) de l’aéroport (et donc intéressé par sa sécurité), vous pouvez suivre le site des organisations syndicales de Zaventem : le site
Pour envoyer des motions de solidarité en faveur de la réintégration de Maria et de la lutte des travailleurs de l’aéroport en faveur de la sécurité : cliquer ici
L’Europe des mauvaises conditions de travail, à l’aéroport de Zaventem, on connaît cela. Le travail de longues heures d’affilée, la flexibilité, les horaires coupés, etc. C’est devenu monnaie courante, surtout depuis la disparition de la Sabena et sa transformation d’entreprise publique en firme privée, depuis lors faillie.
Maria Vindevoghel était syndicaliste à la Sabena. Lors de la fermeture de la compagnie, elle était l’une des plus actives pour défendre les 13.000 emplois. Son courage et sa détermination n’ont rien pu faire. La Sabena a été éliminée au nom de la « libre concurrence », du « libre marché », ce que les dirigeants européens veulent nous faire avaler comme dogme inviolable, notamment dans le traité constitutionnel.
Toute aide de l’Etat belge était quasi interdite de par les articles des traités européens condamnant les aides publiques. British Airways était prête à porter plainte devant la Cour européenne de justice s’il y avait subsides. Exit Sabena !
Pour Maria, c’est la recherche d’un nouvel emploi qu’elle trouve chez Flight Care. C’est une société qui s’occupe de plusieurs services à l’aéroport : le nettoyage des avions, l’acheminement des bagages, etc. Elle doit repartir à zéro. D’autant qu’à Flight Care, il n’y a pas de délégation syndicale. Il y a juste un comité pour la prévention et la protection du travail. Aux dernières élections sociales, Maria se fait élire comme membre de ce comité.
Malheureusement, comme il n’y a pas de délégation, il n’y a pas de temps réservé pour cette tâche. Un représentant du comité doit prendre cela sur ces heures extra. Et c’est là, dans ces conditions, que la direction de Flight Care va trouver un motif pour licencier Maria. En effet, pour venir sur l’aéroport, il faut un badge, qui doit être agréé par la société qui gère le site, à savoir la BIAC.
En juin 2005, suite à des fortes chaleurs, des travailleurs qui traitent les bagages se plaignent qu’ils sont occupés trop longtemps d’affilée, deux à trois heures sur le tarmac. Les pauses légales lors du labeur par forte chaleur ne sont pas respectées. Certains d’entre eux ont des malaises. Ils appellent Maria à la rescousse. Celle-ci arrive, fait enregistrer son badge par la BIAC, enfile son gilet de sécurité et obtient des pauses pour les salariés.
Le 12 juillet, même chose. Problème similaire. Maria est appelée. Elle prend son badge pour pouvoir entrer dans l’aéroport et atteindre les salariés.
Or, c’est justement ce prétexte que la direction de Flight Care utilise pour argumenter le licenciement, qui intervient le jour suivant : on ne peut employer le badge que pour des raisons de « travail ». Maria a commis une « faute grave » en venant sur le lieu de travail « en dehors de ses heures » et pour des « raisons étrangères au service ».
Il est clair que c’est un comble, mais cela montre les risques que peuvent encourir des délégués syndicaux dans l’exercice de leur mandat dans cette Europe de plus en plus libérale. Il est évident aussi que le motif du licenciement n’est pas la vraie raison de la décision patronale.
Pour la direction de Flight Care (et pour bien d’autres directions d’entreprise), il faut que les conditions de travail soient plus flexibles, que les salariés doivent travailler davantage, que les limites légales obtenues à travers des luttes ouvrières depuis des dizaines d’année soient supprimées ou du moins atténuées, que les firmes publiques avec leurs statuts offrant certaines garanties aux travailleurs doivent disparaître. En outre, Flight Care ne veut pas entendre parler de délégation syndicale. Car Maria avait justement été mandatée par le noyau des militants syndicaux pour obtenir la reconnaissance d’une telle délégation au sein de la compagnie. Son licenciement intervient donc à un moment précis. Difficile de croire à un hasard.
Flight Care représente l’Europe vers laquelle on tend : une société où les dirigeants d’entreprise sont rois, où ils peuvent de plus en plus faire ce qu’ils veulent et où donc la contestation syndicale est proscrite. Une société qui existe comme telle déjà en partie aux Etats-Unis et plus près de nous, en Angleterre. Voilà l’Europe de la compétitivité que l’on veut nous imposer.
Henri Houben