Editorial du journal Angles d’Attac de novembre 2005
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Un magnifique succès ! Que peut-on dire d’autre sur cette grande manifestation de ce vendredi 28 octobre ? Selon la police, il y avait 73.990 participants. Je ne suis pas sûr qu’elle nous a comptés parmi eux. Selon les organisateurs syndicaux, nous n’étions pas loin des 100.000.
Mais qu’importe la précision exacte de ces chiffres ! De mémoire de syndicaliste, il y avait longtemps qu’on n’avait pas vu une telle mobilisation. C’est incontestablement un message fort qui a été lancé par la “base”, par les simples citoyens, par les salariés, chômeurs, pensionnés, au gouvernement Verhofstadt (VLD-MR-PS-SP.a) : la prépension est devenue un droit ; celui des travailleurs qui, après s’être épuisés pendant des années au service des entreprises sans avoir gagné grand-chose, peuvent partir de la vie active en laissant la place aux jeunes.
De ce point de vue, la manifestation marque une profonde fracture sociale. D’un côté, la FEB, fédération des entreprises de Belgique, organe patronal, appuie quasi sans réserves les mesures gouvernementales. Il est évident qu’Etienne Davignon, ancien président de la Société Générale, par exemple, après avoir reçu de royales “stocks options” [1] pour sa pension, peut sans problème à 72 ans être encore président des “Amis de l’Europe”, un groupe de réflexion où se retrouvent tous les “grands” de l’Union, ou même être administrateur de Suez, de Tractebel ou d’autres sociétés. En outre, cela lui rapporte grassement. Mais un salarié qui a travaillé à la chaîne ou au service clientèle ou encore comme instituteur sous une pression de plus en plus vive, qui n’a pu gagner assez pour s’octroyer une aide ménagère ou une “nurse”, est souvent usé quand il atteint la cinquantaine. Parfois même avant !
La manifestation indique aussi une profonde fracture démocratique. Malgré l’ampleur de la mobilisation, il n’y avait quasiment aucun représentant politique des citoyens présent. Ni le PS, ni le MR, ni le CDH (et même chose du côté néerlandophone) n’ont participé. Seuls quelques élus Ecolo ont apporté leur solidarité. Et au soir du défilé, Verhofstadt, au nom du gouvernement, a lancé encore un “je vous ai compris, mais je n’en ai rien à faire” des plus retentissants et des plus déplaisants. Quelle peut être encore la véritable légitimité de ces institutions qui prennent des décisions favorables aux chefs d’entreprise et préjudiciables aux citoyens et qui, lorsque ceux-ci protestent, affirment qu’elles ne tiendront pas compte de l’avis de la “base” ?
Tout montre ainsi que le combat doit continuer, qu’il est loin d’être gagné. Tout montre aussi qu’il va se poursuivre, que les salariés sont décidés.
Attac – et en particulier la locale d’AB1 – soutient activement ce mouvement. Il considère que les revendications centrales sont parfaitement justifiées et que l’attitude du gouvernement à leur égard est totalement scandaleuse. Il accompagnera les citoyens et les salariés jusqu’au bout de cette lutte. Il tentera d’apporter sa modeste contribution.
Or, Attac se définit, à juste titre, comme un mouvement d’éducation populaire tourné vers l’action. C’est dans ce cadre qu’il veut aider les manifestants : fournir de l’information et de la formation pour que les grévistes et leurs sympathisants se forgent une conscience, un moral (et une morale) et une volonté plus ferme pour emporter la victoire.
C’est pourquoi AB1 organise et vous invite à venir aux activités suivantes :
le mardi 8 novembre, le Café politique consacré justement aux fins de carrière : “Fins de carrière ou faim d’emploi” ;
du 24 novembre au 4 décembre, la semaine de cinéma, avec des films et des débats sur une série de sujets, notamment sur le stress au travail, sur l’emploi, sur les multinationales, sur la responsabilité de l’Union européenne en ces matières ;
le 15 ou le 16 décembre au soir, une conférence sur le lien entre les décisions gouvernementales et l’Union européenne.
Pour de plus amples renseignements, regardez l’agenda et les pages dédiées à ces activités.
Venez-y et aidez-nous à les organiser. Chaque apport est le bienvenu. Ce n’est que tous ensemble que nous pourrons gagner ! Et nous y parviendrons, j’en suis convaincu !
Henri Houben
[1] Ce sont des paquets d’actions, de titres, servant de retraite pour les hauts dirigeants des entreprises et leur assurant des rentes confortables.