Cinéma d’Attac
Jeudi 19 janvier 2006, à 21 heures 30, à l’Arenberg (Galeries de la Reine)
Le CINÉMA D’ATTAC
JEUDI 19 JANVIER 2006,
à 21 heures 30,
à l’Arenberg (Galeries de la Reine)
ATTAC-Bruxelles 1 présente
en grande première
LE DOCUMENTAIRE QUI FAIT TREMBLER BERLUSCONI
VIVA ZAPATERO !
de Sabina Guzzanti
Dès 20 heures 30, le GRAND DÉBAT :
« Un pays européen à la botte : le cas italien »
avec Carla GOFFI (responsable du Mouvement Chrétien pour la Paix)
Prix d’entrée unique : 5,2 euros (y compris pour le débat)
Assez : l’Italie est le seul État au monde où le Premier ministre est à la fois le propriétaire des trois principales chaînes de télé privées et le dirigeant du service public de radiotélévision, au titre de chef du Conseil.
Résultats ? Un pays littéralement lobotomisé sous une avalanche de talk shows, de soap opera et de divertissements frivoles –alors que les grands médias voient leur programme d’information disparaître par pans entiers ou être entièrement remodelés. Une domination monopoliste, aux relents de dictature telle que Freedom House (l’un des plus importants observatoires internationaux) place désormais l’Italie en 77ème position de son classement mondial pour la liberté d’expression : entre la Bulgarie et la Zambie, c’est tout dire.
Pièce maîtresse de cette dévastation : l’éviction des reporters et des comédiens trop honnêtes, comme Sabina Guzzanti qui fait partie des 100 journalistes et humoristes renvoyés des médias depuis l’arrivée au pouvoir en 2001 de Silvio Berlusconi. Sabina Guzzanti ? En 2003, à la demande de la chaîne Rai 3, elle tourne le premier épisode d’une nouvelle émission satirique Raiot –un show à l’humour violemment corrosif. Le patron de la chaîne soutient le projet, avant de se rétracter quelques jours avant la diffusion. Raiot passe finalement sur les ondes en novembre 2003, et engrange une audience record (deux millions d’Italiens sont scotchés devant leur écran à 11 heures et demi du soir). Illico, Mediaset, l’entreprise-phare de l’empire berlusconien, porte plainte pour « diffamation, vulgarité, insultes au gouvernement » . L’émission est définitivement déprogrammée.
AUSSI RADICAL QUE LA RÉALITE. Une fois débarquée, pour son Raiot « Armi di distrazione di massa » , Guzzanti ne laisse pourtant pas tomber les bras : bien décidée à contrer il Cavaliere, elle va cette fois utiliser l’arme du cinéma pour continuer son combat. Ce sera Viva Zapatero ! , un documentaire survolté où la réalisatrice interpelle, sans faux-fuyants, le monde politique et médiatique sur l’état carbonisé de la démocratie péninsulaire. Un documentaire féroce, aussi radical que la réalité, à force d’énoncer une situation convenue et ordinaire : la censure brutale, perverse, totalitaire qui s’est abattue sur un pays violenté.
Viva Zapatero ? Évidemment, et c’est bien la loi du genre, le spectateur est souvent pris de quintes de rire devant les sketchs dévastateurs et les imitations efficaces d’uns série d’humoristes français et anglais appelés, par S. Guzzanti, à la rescousse de la liberté d’expression. Mais, on a aussi la gorge nouée devant les témoignages de tous ces « blacklistés », « renvoyés d’office » ou « mis à la porte » comme l’acteur de théâtre et satiristes Beppe Grillo, « l’ennemi numéro Un » de Berlusconi et à ce titre boycotté par les télés malgré sa grande popularité : en pleine conférence de presse, il conjure les journalistes de se révolter ou, du moins, d’écrire ce qu’ils pensent et de décrire ce qu’ils voient. L’embarras alors visible sur les visages est une honte pour la profession. Émotion plus forte encore lorsque le patriarche Giorgio Pieroni, l’un des journalistes les plus respectés d’Italie, lui aussi viré de la RAI, s’étrangle dans ses larmes en évoquant le sort des libertés et de la démocratie dans son pays (et notamment les pressions sournoises auxquelles a été soumis le Corriere della Sera) .
ENRAGÉ. C’est promis : chaque spectateur éprouvera une excitation certaine en voyant Sabina mordre les mollets des notables du berlusconisme, traqués jusque dans la rue. Pour autant, la riche substance de Viva Zapatero ! est particulièrement angoissante et dépressive. Y défilent un cortège d’ectoplasmes veules et pleutres, pétrifiés par la peur, quand ils ne sont pas tout bonnement cyniques et fiers de leur indignité.
Si Viva… est un document enragé, politiquement dérangeant, ce n’est pourtant pas uniquement pour la droite : non seulement il révèle les mécanismes de la censure (avec ses frousses et ses lâchetés), les épurations systématiques, les ménages sans ménagement, les procès en diffamation, la loi du silence…, il éclaire également les collusions entre formations politiques qui ont mené à la situation actuelle. Car Viva…, c’est aussi la reconduction d’un malaise grandissant, surtout quand les responsables des partis dits « de gauche », interrogés par Sabina Guzzanti, justifient leur attentisme, notamment leur incapacité à voter des lois à même de résoudre les conflits d’intérêt qui servent si bien les affaires de Sua Emittenza, son patrimoine personnel de 11 milliards d’euros, son empire entrepreneurial et son parti inventé de toutes pièces…
UNE GAUCHE SINISTRÉE. « On est bien obligé de le constater, explique la réalisatrice. La différence entre la gauche et la droite a tendance à disparaître. C’est la raison pour laquelle, comme on le voit dans le film, la presse contrôlée par la gauche se montre hostile à toute critique qui remettrait fondamentalement en cause la légitimité du gouvernement Berlusconi. Je crois qu’ils se sont entendus sur cette question. Il s’agit d’une solidarité envers un système entier ».
« Ce qui me fascinait le plus dans la réalisation de ce projet, c’était de témoigner en direct de la transformation d’une démocratie en quelque chose d’autre : au-delà des raisons historiques et politiques, raconter comment la perception des événements change petit à petit aux yeux des gens. Chercher les mécanismes qu rendent cette altération possible.
Au contraire, la liberté est l’unique solution. Reprenons donc celle qu’il y avait avant et, tant que nous y sommes, prenons-en donc plus : il n’y en avait déjà pas tant ».
Bon à surligner : Viva Zapatero ! (référence au Premier ministre espagnol qui a fait voter une loi garantissant l’indépendance des chaînes publiques par rapport au pouvoir) a fait l’objet d’un capiteux et symptomatique triomphe au dernier Festival de Venise. A la veille de la clôture de la 62ème Mostra, une projection –en dehors de toute compétition et entourée d’énormément de précaution– a déclenché à son issue une standing ovation de douze minutes non stop. Qui plus est : en à peine deux mois de diffusion dans le circuit commercial, le film a déjà attiré plus de 400.000 spectateurs.
Arme de distraction massive, Viva Zapatero ! est donc assurément une oeuvre de salut public. Au printemps, les Italiens auront rendez-vous avec les urnes. Avec ce réquisitoire sans appel, Sabina Guzzanti vient –sans conteste– de donner le coup d’envoi de la campagne électorale.