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European Business Summit les 16 et 17 mars 2006

Le vrai sommet européen

par Henri

Pensez-vous encore que la Commission européenne soit réellement indépendante de l’influence des organisations patronales ? Si vous le croyez ou si vous doutez sur cette question, regardez plutôt ceci.

Articles parus dans Angles d’Attac n°71, février-mars 2006.


European Business Summit les 16 et 17 mars 2006

Le vrai sommet européen

Tous les deux ans, depuis juin 2000, l’UNICE, la confédération patronale européenne, et sa « filiale » belge, la FEB (Fédération des Entreprises de Belgique), organisent une rencontre à Bruxelles, destinée à mettre ensemble dirigeants politiques et hommes d’affaires en Europe. On en est à la quatrième édition. L’European Business Summit (EBS, le sommet européen des affaires) se veut être le Davos européen. Le profil désiré pour l’EBS : « des orateurs de haut niveau, des chefs d’entreprise, des commissaires européens, des membres du parlement européen, des ministres et autres représentants officiels des Etats membres, 150 journalistes »  [1]. Des gens triés sur le volet !

Et le prix des places n’est pas donné : 980 euros par personne pour le sommet en lui-même, auquel il faut ajouter 21% de TVA (récupérable pour les entreprises). Soit 1.186 euros pour deux jours.

Depuis le début, la Commission européenne est officiellement partie prenante de cette initiative. Depuis 2000, douze commissaires européens différents ont participé comme orateurs à cet événement. Cinq responsables de DG (direction générale), donc l’administration européenne, étaient présents. Certains sont venus plusieurs fois. 26 ministres nationaux ou chefs de cabinet étaient également invités à l’EBS, souvent comme interlocuteurs ou comme modérateurs. Citons-en quelques-uns : Jean-Luc Dehaene, ancien Premier ministre belge, Guy Verhofstadt, l’actuel, Didier Reynders, ministre des Finances, Karel Van Miert, ancien président du SP et commissaire européen, Isabelle Durant, ancienne ministre des Transports…

Cette année, la quatrième édition accueillera, selon les dernières informations [2], six nouveaux commissaires européens (puisque les précédents ayant participé faisaient partie de l’équipe de Romano Prodi) et trois responsables de DG. Parmi eux, le président de la Commission, José Manuel Barroso, et le vice-président, en charge de l’Entreprise et de l’Industrie, Günther Verheugen [3]. Il y aura de nombreux ministres présents, dont Guy Verhofstadt, Laurens Jan Brinkhorst, le ministre néerlandais de l’Economie, et Wolfgang Schüssel, le chancelier autrichien [4]. Tout cela aux côtés du baron Ernest-Antoine Sellière, président de l’UNICE, le baron Daniel Janssen, président de Solvay et membre de la Table ronde des industriels européens (ERT), Heinrich von Pierer, président de Siemens et aussi membre de l’ERT, Guy Dollé, président d’Arcelor, Jeroen van der Veer, président de Shell et membre de l’ERT, Gerard Kleisterlee, président de Philips et membre de l’ERT, … Le gratin quoi !

Ce qui est particulier à cette édition est que José Manuel Barroso prend l’événement sous son patronage personnel, donnant un caractère encore plus officiel à celui-ci. Mais aussi le thème et la date correspondent aux priorités fixées à la fois par l’actuelle Commission et par les organisations patronales européennes : discuter de la manière d’appliquer le processus de Lisbonne dans les Etats membres. La brochure de présentation de la quatrième édition de l’EBS ne laisse planer aucun doute à ce sujet : « A la fois la Commission européenne et la présidence autrichienne de l’Union considèrent l’EBS de 2006 comme un instrument idéal pour expliquer la stratégie de Lisbonne révisée. Les Etats membres et les pays candidats utiliseront cette opportunité pour présenter leur programme national de réformes et leurs meilleures pratiques à cet égard durant une série d’ateliers et à travers des stands tenus au village travaillant en réseau du sommet »  [5].

L’EBS montre la collusion totale existant entre le monde politique et celui des affaires. Il y a non seulement une unité de vues, une convergence d’intérêts, mais aussi une similarité des carrières. Cette année, Nelly Kroes vient comme commissaire à la Concurrence. Elle aurait pu être présente il y a deux ans comme administratrice de Volvo. Karel Van Miert pouvait arriver comme commissaire européen. Il peut représenter aujourd’hui aussi Philips, Solvay ou Vivendi.

En outre, les citoyens peuvent avoir l’impression – mais sans doute de moins en moins – d’avoir leur mot à dire en votant aux différents parlements. En réalité, c’est à des réunions pareilles, rassemblant quelque 1.500 « personnalités » triées sur le volet que l’Europe actuelle se construit : une Europe patronale, antisociale, une Europe de la compétitivité, celle du processus de Lisbonne, une Europe où 1.500 dirigeants ont plus de poids que les 490 millions de gens, une Europe antidémocratique, belliqueuse, prête à dominer ou à redominer le monde… Bref, l’Europe dont on ne veut pas.

Nulle doute aussi que ce sommet sera sous haute surveillance policière. Car cela aussi fait partie de cette collusion où les appareils de l’Etat servent directement les intérêts des multinationales et non ceux des simples citoyens.

Henri Houben

Notons aussi que comme son prédécesseur, Emilio Gabaglio, John Monks, secrétaire général de la CES (Confédération européenne des syndicats), est invité à l’EBS comme orateur. Il devra parler de la libéralisation des services, c’est-à-dire de la directive Bolkestein. On peut sans doute être assuré que ce proche de Tony Blair ne défendra pas le point de vue de la proposition d’origine. Néanmoins, on doit se demander ce qu’il fait, en tant que représentant des travailleurs, à ce congrès patronal.

Notes

[1Cité comme tel dans la brochure de présentation de l’EBS, « Building a Europe of Excellence : Turning knowledge into growth », 16-17 mars 2006, Brussels, p.2.

[2Voir le site de l’EBS : EBS

[3Lui était déjà venu précédemment comme commissaire à l’Elargissement sous la présidence de Romano Prodi.

[4L’Autriche détient la présidence de l’Union européenne pour le premier semestre 2006.

[5EBS, « Building a Europe of Excellence : Turning knowledge into growth », 16-17 mars 2006, Brussels, p.2.


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