Cinéma d’ATTAC
Jeudi 19 avril 2007 21h30
Cinéma ARENBERG
(26 Galerie de la Reine, dans le centre ville)
En grande avant-première
A CASA NOSTRA
de Francesca COMENCINI
Un homme d’affaires affairé, un commissaire de police duplice,
une mannequin cocaïnomane, un couple de retraités maltraités…
Dans le Milan d’aujourd’hui, une histoire
autour d’une même obsession : l’argent.
Amassé, perdu, volé, gagné, exhibé, caché, rêvé, ramassé !
ITALIE 2006. Durée : 99 minutes.
Prix d’entrée : 6,6 euros y compris pour le débat (sauf les Article 27)
Dès 20 heures 30,
Le débat :
« Tous fraudeurs… ? En Belgique, plus vous êtes riches, plus il est facile de rouler le fisc… ! »
avec, notamment,
Jean-Marc LAUWERS
(Responsable des questions fiscales au sein d’Attac Wallonie-Bruxelles).
Milan. Aujourd’hui : un banquier, une femme capitaine de police, une jeune top modèle, un employé de supermarché, un couple de retraités, un ex-taulard, une infirmière, une prostituée, un proxénète.
Ugo est un type intelligent, volontaire et mélancolique à la fois, qui vit de trafics illicites : banquier véreux, il est abonné aux délits d’initiés. À l’encontre de ce délinquant au col trop blanc, Rita (inspectrice de la brigade financière) mène une enquête au pas de charge. Oui, mais : Rita, la quadra, est perturbée par sa relation avec Matteo, un jeune homme trop indécis. Le père de Matteo ? Professeur à la retraite, c’est un bon vivant qui dépense plus qu’il n’a et, pour subsister, vend en cachette des livres rares qui appartiennent à sa femme. Oui, mais. Ugo, le banquier, a aussi une maîtresse, Elodie, un top model qu’il loge à grand frais dans la suite d’un hôtel. Elodie, souvent délaissée, fait perdre la tête à Gerry, un jeune homme marié depuis un an avec une infirmière. Sans parler d’Otello, un ancien assassin sous contrôle judiciaire, qui s’éprend d’une prostituée roumaine, Bianca, qu’il aimerait sortir de sa condition.
Bref. Dans le Milan d’aujourd’hui, des personnages aux trajectoires différentes se croisent et s’effleurent –sans se voir ni le savoir– poussé par une même obsession : l’argent. Amassé, perdu, volé, gagné, exhibé, caché, rêvé...
A casa nostra ? Entre la chronique stylée et le feuilleton télé, la réalisatrice Francesca Comencini nous plonge dans le quotidien de ces protagonistes et de ces clans apparemment étrangers l’un à l’autre mais reliés par leur côté sombre : le poids du passé, le désir de rédemption, l’incertitude de l’avenir.
Comencini aime les destins qui s’entrechoquent et s’influencent –au point de tordre son film pour le faire aboutir à des séquences qui réunissent, pour des raisons différentes, tous les protagonistes dans le même lieux. A travers ce parti pris scénaristique, A casa nostra sonne juste, notamment par la tenue formidable d’une kyrielle de comédiens généreux qui hantent un Milan froid, souvent montré entre chiens et loups. Même sans intrigue générale, le poids des petites histoires passionne et, dans son genre choral, ce film constitue une formidable réussite.
POLÉMIQUE. La réalisatrice Francesca Comencini définit A casa nostra comme le fruit de son précédent film « Mi piace lavorare » où l’argent et le monde de l’entreprise étaient déjà au centre de l’intrigue ( « Mi piace » est le résultat d’une longue recherche sur le harcèlement, menée avec le plus important syndicat italien). Mais, là où le monde du travail venait détruire la vie de l’héroïne de « J’aime travailler » , l’argent vient ici rassembler plusieurs personnes pour mieux les détruire de l’intérieur : « Dans les deux scripts, il y a la même question de départ : "Quelle est la valeur de la vie dans un monde où le profit est l’unique moteur ?"… Ce questionnement est nécessaire et inévitable car aujourd’hui –comme jamais dans l’Histoire–, la pure et simple recherche du gain n’a été autant le moteur des actions humaines. Je trouve que c’est une situation qui fait peur. Je ne souhaite à aucun enfant de se retrouver dans un monde pareil ».
Évidemment –dans le contexte politique de l’Italie, où Silvio Berlusconi possède plus de la moitié des moyens de communication, des médias écrits et télé–, ce film sur le fric et la corruption (dont est atteint le système des pouvoirs) a eu bien du mal à se faire. Le financement même du film a été dur à trouver.
D’autant que la polémique s’est étendue dans Milan même, en tant que décors et lieu du tournage : le maire n’a-t-il pas, en effet, déclaré que sa ville était bien plus belle que dans le film –alors qu’il ne l’avait même pas encore visionné ?
ENGAGÉE. « En Italie, on résiste ou on s’écrase », rétorque Francesca Comencini –la cadette, toujours rebelle, d’une famille dont le patriarche Luigi vient de s’éteindre le 6 avril dernier à l’âge de 90 ans : ce formidable metteur en scène, c’était surtout fait connaître par l’Incompris (un des films les plus lacrymogène de l’histoire du mélodrame), le superbe L’Argent de la vieille (une fable d’une verdeur et d’une cruauté sans pareille) ainsi que Pinocchio (six épisodes d’émerveillement pur, réussissant un personnage obstiné et insolent).
Carrière entamée en France, poursuivie en Italie, Francesca Comencini a toujours été portée –elle– par un engagement qui ne s’est jamais démenti. Ainsi, n’a-t-elle pas hésité à participer, avec trente autres cinéastes italiens, à la réalisation du documentaire Carlo Giuliani, ragazzo, sur la sauvagerie policière qui a scandé le Sommet du G8 de Gênes et culminé avec l’assassinat du jeune militant anticapitaliste.
Jean FLINKER