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jeudi 21 juin à 21h30 (ciné Arenberg)

Cinéma d’Attac : "Ma mondialisation"

un film de Gilles Perret (Fr - 2006 - 86min.)

Les impostures du système ultralibéral et l’horreur économique dénoncées par…
... des petits patrons.

Une première !


20h30 - débat
Au bonheur des riches, la France serre à droite
avec Céline CAUDRON (membre de la LCR) et Henri HOUBEN (économiste)

21h30 - projection du film
Ma mondialisation de Gilles PERRET

FRANCE - 2006. DURÉE : 86 minutes



LA TOURNÉE DU PATRON

Partir du local pour parler du global. Depuis dix ans, le documentariste Gilles Perret creuse le même sillon : filmer ses voisins pour parler du monde tel qu’il va…

Cette fois, avec Ma mondialisation, Perret a voulu raconter l’évolution de l’économie planétarisée. Pour ce défi, il utilise la même intuition tout simplement géniale : suivre, à travers l’histoire industrielle de la vallée de l’Arve (où il habite), le parcours d’un petit patron, Yves Bontaz. Une démarche originale –prête à éviter le piège du film militant pour militants, et à éclairer les mécanismes économiques à hauteur d’homme. Autant le dire : c’est formidable. Jouissif et éclairant.

Ici donc, pas de méchants. Même pas des capitalistes assoiffés de profits. Durant des mois (de Cluses à Shanghaï, de visites d’usines en repas d’amis), le documentariste a emboîté le pas à cet entrepreneur « local et délocalisé » qui, avec une étonnante candeur, raconte « sa » mondialisation. Inutile de chercher, chez Yves Bontaz, le patron de choc en costume cravate –genre tueur à la Men in Black. Ce jovial Savoyard aime le jambon du pays, les repas entre copains dans sa maison-chalet qui sent bon le bois et le feu de cheminée. Un type attachant, qui ne cache pas son émotion quand il évoque son père, la maison de famille et les deux vaches qu’il possédait. Mais voilà : le petit patron de la PME familiale est devenu, en une vingtaine d’années, un VRP international.


DÉCOLLETÉ

Spécialisée dans le décolletage (un travail de haute précision sur des pièces de mécanique destinées aux industries automobiles, aérospatiales ou médicales...), la société Bontaz, de quelques ouvriers au départ, emploie maintenant 1.000 salariés. En Savoie, mais aussi sur deux sites étrangers, en République tchèque et en Chine.

Dans ce jeu de monopoly, les propos et le brio du film décortiquent, avec finesse (grâce à un montage rythmé), les mécanismes et les impostures d’un système d’échanges ultralibéral où les prétendus bienfaits de la concurrence se révèlent surtout synonymes de violences accrues dans les rapports économiques.

L’originalité de Ma mondialisation ? La large place qu’il accorde à la parole patronale, souvent absente de ce genre de documentaires. Car, si les témoignages de syndicalistes et d’économistes abondent, le véritable héros du film c’est bel et bien Yves Bontaz, le président-fondateur de la dernière grosse entreprise familiale de la vallée (toutes les autres ont été rachetées par des fonds de pension américains) dont 70 % des salariés sont désormais tchèques ou chinois.

DES PLAIES ET DES BOSS

Un gars sympa, ce Bontaz, avec ses t-shirts colorés, sa gouaille, ses anecdotes souvent drôles. Et visiblement moins borné que nombre de ses collègues : obsédés par l’abolition des 35 heures voire du Code du travail, ils représentent ces industriels sous-traitants soumis aux pressions conguées de leurs clients, donneurs d’ordre, et de la finance qui les poussent à délocaliser toujours plus (parfois jusqu’à l’absurde), victimes à leur tour d’un système qu’ils ont pourtant largement soutenu.

Car d’acteur, Bontaz est finalement lui aussi passé au rôle de figurant d’un processus qui le dépasse. En réalité, la force de Ma mondialisation est de ne jamais être dupe de ce personnage touchant à bien des égards, mais dont les contradictions éclatent à l’écran. Chez lui, en Haute-Savoie, Yves Bontaz est un patron supercool, qui tutoie ses employés et s’inquiète du bien-être de leur famille ; en Chine, il ne sait pas combien ils gagnent... Le self-made-man, qui se dit convaincu d’« apporter du bien aux pays » où il s’installe, semble ému par la vie misérable de son ouvrier chinois. Mais c’est le même qui, à l’issue d’un repas très arrosé –où ses amis patrons ont bien craché sur les syndicats– beugle l’Internationale. Pour rire, bien sûr. L’horreur économique, même à visage humain, reste une horreur.

FRÉNÉSIE.

Efficace et didactique, le film montre combien les fonds de pension, dont les dirigeants sont aussi insouciants qu’invisibles, constituent une réelle menace pour la viabilité des entreprises industrielles : les actionnaires puisent dans les profits réalisés, non pour réinvestir dans l’outil de production, mais pour rembourser les investisseurs de leur emprunt.
Dans ce scénario frénétique, le désarroi est partout. Chez les ouvriers bien sûr, qui, d’un jour à l’autre, basculent dans une situation d’extrême précarité, mais aussi chez les patrons traditionnels qui sont soudain privés de leur outil de pouvoir : l’entreprise. Dans cette affaire, tous sont perdants. Ma mondialisation se veut le reflet du dérèglement progressif de l’économie de marché libérale. Tous, patrons et ouvriers, syndicalistes et économistes, assistent impuissants à l’emballement d’un système absurde sur lequel plus personne ne semble avoir prise.
Du coup, ce qui était jusque-là impensable devient tout à coup… indispensable : pour la première fois de son histoire, la vallée du décolletage est le théâtre d’une manifestation protestataire.

Jean Flinker


Au cinéma Arenberg (26, galerie de la reine - 1000 Bxl)

Prix d’entrée : 6,60 euros (sauf Article 27), y compris pour le débat


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