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Cinéma d’ATTAC à l’Arenberg

"Moolaadé" d’Ousmane SEMBENE (Sénégal 2005)

Jeudi 20 septembre 2007 à 21h30

par Jan

Dès 20h30, le débat :
« PEUT-ON PARLER DE L’AFRIQUE SANS FAIRE DE CINÉMA...? »
avec Guido HUYSMANS (Président de l’Afrika Film Festival)


EN HOMMAGE À L’UN DES PLUS GRANDS CINÉASTES AFRICAINS

LE CINÉMA d’ATTAC VOUS INVITE À LA PROJECTION DU DERNIER FILM D’OUSMANE SEMBENE

"MOOLAADE"

sur les violences sexistes que continuent à subir les femmes, au nom de la tradition.

Un propos universel...

Dès 20h30, le débat :

« PEUT-ON PARLER DE L’AFRIQUE SANS FAIRE DE CINÉMA...? »
avec Guido HUYSMANS (Président de l’Afrika Film Festival)

Courant, pieds nus, à travers le village, quatre fillettes viennent chercher refuge chez maman Collé : « On ne veut pas être coupées »…

Aussitôt Collé tend, à l’entrée de sa maison, le ruban de couleur indiquant à tous qu’il y a un « moolaadé », un droit d’asile pour ces petites : personne ne peut venir les chercher. Les exciseuses furieuses se tournent alors vers le Conseil des sages, qui leur donne raison : il faut suivre les traditions.

C’est le début d’un affrontement acharné où Ardo Collé tiendra tête avec une énergie aussi déterminée que prévisible : la seconde épouse de Bathily, un des notables, n’est-elle pas la seule mère de famille à avoir refusé que sa propre fille soit excisée ? Dans le village, en tous cas, le Conseil des hommes est révolté : Collé remet en cause leur domination. On apprend bientôt que –refusant d’être reprises– deux autres petites filles se sont jetées dans le puits. Le chef ordonnera qu’on le comble...
CENT MILLIONS. Dans Moolaadé, Ousmane Sembene continue donc son examen critique de la société africaine avec –ici– l’usage de l’excision, cette soi-disant « purification de la femme ». Aujourd’hui encore, l’excision est pratiquée dans 38 des 54 Etats membres de l’Union africaine. Selon les Rapports d’Amnesty International, on compte de 100 à 130 millions de femmes et de fillettes excisées dans le monde. Certaines finissent par se rebeller, comme cette trentaine de femmes du village sénégalais de Malicounda qui, en 1997, avaient publiquement bravé la coutume ancestrale. Tourné au Burkina Faso (avec des acteurs ivoiriens, sénégalais et burkinabés), le film d’Ousmane Sembene s’inspire de ces faits réels qu’il transfigure, par une tension permanente, en une fiction fascinante.

Il faut dire que pour sa dernière œuvre filmique, Sembene s’est transformé en véritable portraitiste. Résultat ? Etonnant de justesse, de subtilité. Ainsi, le chef religieux accroché à ses rites ; le frère aîné qui manipule le mari de Collé (jusqu’à l’obliger à battre sa femme) ; le jeune, tout juste arrivé de France et qui, bien qu’habillé à l’occidentale, est vite repris par les coutumes du pays. Seul homme libre, le dénommé Mercenaire osera prendre, à ses dépens, la défense de Collé : marchand ambulant à demi-escroc, c’est lui qui apporte pain rassis, fripes et ustensiles de cuisine au village. Décidé à prendre parti pour la rebelle, révolté par des pratiques relevant de ce qu’il appelle une « garce d’Afrique ! », Mercenaire sera finalement chassé du village et assassiné…
PAS SI SIMPLE… Evitant tout manichéisme, creusant avec intelligence les rapports de pouvoir dans le village, le réalisateur sénégalais sait pourtant vite nous convaincre que tout n’est pas si simple : il s’agit non seulement d’une remise en cause de la place, toujours subordonnée, des femmes dans la société africaine mais aussi de la toute-puissance des superstitions, de la réticence à une certaine modernité… Recherchant les causes de leur soudaine désobéissance, ne verra-t-on pas les hommes (constamment ligués) aller confisquer aux femmes toutes ces radios « qui leur donnent trop d’idées » ?

Second volet d’un tryptique non achevé –dont le premier opus, Faat-Kiné, suivait une mère célibataire en ville–, Moolaadé trace une nouvelle fois le portrait exemplaire d’une « héroïne du quotidien » dont le courage insolent finit par emporter l’adhésion de tous et changer le destin du village dans son entier... Au centre de Moolaadé, il y a en effet une comédienne magnifique : l’actrice malienne Fatoumata Coulibaly (elle-même excisée, qui milite depuis de longues années pour l’émancipation de la femme africaine). Elle réussit ici une interprétation magistrale faisant d’Ardo Collé un être à l’insoumission dévastatrice –tout en donnant, à son visage et à son corps, une sensualité à la beauté fatiguée et bafouée. Car la force de Collé, nourrie par l’adhésion lente et progressive d’autres femmes, est son entêtement : flanchera-t-elle quand sa propre fille ne la comprend pas, lorsque tout le monde défile pour la convaincre de renoncer, ou quand son mari la bat jusqu’au sang en public ?

Primé en 2004 au Festival de Cannes dans la section « Un Certain Regard », Moolaadé est le film émouvant, subtil et généreux d’un cinéaste militant qui aura voulu jusqu’au bout aider, par ses films, l’Afrique à évoluer.

Ousmane est décédé le 9 juin 2007, à l’âge de 83 ans.

Jean FLINKER

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Cinéma ARENBERG (26 Galerie de la Reine)
SÉNÉGAL 2005 Durée : 117 minutes
Prix d’entrée : 6,6 euros y compris pour le débat (sauf les Article 27)

P.-S.

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