Séance inaugurale du 8ème Festival du Cinéma d’Attac
Jeudi 22 novembre 2007, à 20h30 à l’Arenberg
Le Cinéma d’attac présente en grande avant-première
LA DIGNITÉ DU PEUPLE
de Fernando SOLANAS
ARGENTINE 2005 — Durée : 116 minutes
Un hommage exalté aux résistances populaires spontanément dressées contre « le génocide social » infligé à l’Argentine. Un pays saigné à blanc par ses élites libérales.
Dès 20 heures 30, le DÉBAT :
« AMÉRIQUE LATINE : MAIS OU EST PASSEE LA GAUCHE ? »
avec Natalia Vanesa HIRTZ doctorante en sociologie à l’ULB ainsi que Ramon AGUIRRE et Camilo GARCIA membres du Comité contre l’Impunité et pour la Démocratie en Amérique latine
CINÉMA ARENBERG
(26 Galerie de la Reine)
Prix d’entrée : 6,6 euros y compris pour le débat (sauf les Article 27)
Jeudi 22 novembre 2007<br
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<span
style="font-weight: bold;">Séance inaugurale du
8ème Festival du Cinéma d’Attac
à 21 heures 30
à l’Arenberg,
Cinéma d’attac présente en grande
avant-première
<span
style="font-weight: bold;">LA DIGNITÉ DU PEUPLE<br
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de Fernando SOLANAS<br
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ARGENTINE 2005 — Durée : 116 minutes
Un hommage exalté aux résistances populaires
spontanément dressées contre « le
génocide social » infligé à
l’Argentine. Un pays saigné à blanc par
ses élites libérales.
<span
style="font-weight: bold;">Dès 20 heures 30, le
DÉBAT :
«
AMÉRIQUE LATINE : MAIS OU EST PASSEE LA GAUCHE ?…
»
avec Natalia Vanesa HIRTZ doctorante en sociologie à l’ULB ainsi que Ramon AGUIRRE et Camilo GARCIA membres du Comité contre l’Impunité et pour la Démocratie en Amérique latine
CINÉMA ARENBERG
(26 Galerie de la Reine)
Prix d’entrée : 6,6 euros y compris pour le
débat (sauf les Article 27)
LA DIGNITÉ DES
GENS DE RIEN…
Il y a deux ans, avec Mémoires d’un saccage, Fernando
Solanas signait la plus vitriolée des leçons
d’économie : la mise à nu du pseudo
« miracle » néolibéral argentin
imputé aux présidents Carlos Menem et
à Fernando De la Rúa (avec la
bénédiction du Fonds monétaire
international). Comment, en une douzaine d’années
–avec en arrière-plan la trahison des
élites et le carnaval
politico-médiatique–, l’une des nations les plus
riches d’Amérique latine avait vu ses complexes industriels
et énergétiques passer sous contrôle
étranger, sa dette extérieure tripler, son
système de santé et d’éducation couler
par le fond –tandis que le cinquième de sa
population sombrait dans le chômage… moyennant 35
000 morts de malnutrition par an.
Entamé dans le feu des manifestations de décembre
2001 qui précipitèrent la chute du gouvernement
De la Rúa, le film brassait prises de vues directes,
archives d’actualité, commentaires off et orchestration
lyrique avec une formidable maestria. Dans la Dignité du
peuple, Solanas reprend, en les développant,
quelques-uns des témoignages alors recueillis pour peindre
une autre fresque, qui est à la fois le pendant et le
contrechamp de Saccage : un hommage aux expériences de
résistance populaire spontanément
dressée contre le « génocide
social » infligé au pays.
VICTOIRES SOLIDAIRES.
Le titre espagnol chante la dignité « de los
nadies » : les anonymes, les gens de rien. Les pauvres, qui
l’ont toujours été ou qui le sont devenus, dans
une Argentine périurbaine où la misère
s’étale à l’horizontale, dans de basses bicoques
essaimant des routes toujours foutues. Or de ces décors
désolés ont surgi les mobilisations de
piqueteros, ces chômeurs de longue durée
organisés pour barrer les avenues et gagner le centre-ville.
Caméra-vidéo en main, Solanas accompagne un
maître d’école qui a impulsé un
réfectoire communautaire. Visite une usine reprise par ses
salariés. Suit la lutte des femmes d’agriculteurs pour
empêcher la saisie de leurs exploitations. Relate le combat
quotidien des personnels des hôpitaux
débordés... Autant de victoires solidaires,
menées dans un environnement épouvantable. Le
cinéaste confère une dynamique vibrante
à ces « petites histoires », dont
l’assemblage choral transcende finalement la simple juxtaposition
documentaire.
RUINÉS DE TOUT.
Singulière galerie de portraits : celle des combattants du
quotidien. Professeurs, ouvriers, chiffonniers, ruinés de
toutes sortes, activistes. Tous luttent jour après jour pour
vivre un peu plus décemment, un peu plus
équitablement –loin d’une
élite corrompue et
« autosacralisée ». Avec une
stupéfiante humilité, chacun explique
–tantôt calme, tantôt
crispé– son combat contre les invraisemblables
injustices d’une corruption institutionnalisée.
Chacun évoque ses rêves d’avenir pour
une Argentine aimée, mais brisée. Nerveusement,
Solanas suit ces gueules cassées qui, malgré les
épreuves (assassinats politiques, racket
bancaire…), conservent une incroyable dignité.
Quoi qu’on en pense, le constat ainsi dressé est
aussi implacable que révoltant. Film d’énergie
brute, caméra secouée, montage heurté,
La Dignité du peuple ne cherche pas la belle image,
n’idéalise ni le beau geste ni les belles âmes.
Non, ici, c’est « Bienvenue » dans un pays
du Tiers-Monde dissimulé au sein d’un pays
développé. Un merdier incroyable, où
l’errance solidaire s’organise dans des barrios inondables, pieds dans
la boue, dents foutues ; où l’on squatte le même
banc depuis deux ans dans un hôpital, crevant la dalle,
tombant sous le plomb tiré au hasard par des forces de
l’ordre dépassées... Solanas n’épargne
rien ; dépeint une Passion accablée mais fervente ;
fait d’un montage foisonnant, éclaté et
chaotique, une arme politique puissante, précise et sans
appel..
RAISINS DE LA
COLÈRE. La dignité dont parle
Solanas, c’est cette solidarité qui fait qu’on peut ne rien
avoir du tout, et le partager cependant –telle cette cantine
collective qui, avec deux oignons et de l’eau, nourrit près
de trois cent personnes. Le partage du rien, les coudes
serrés dans le dénuement, s’agripper à
la corniche de la vie jusqu’à s’en péter les
ongles... Enfants sans repas, hommes sans travail, fermiers sans
terres, hôpitaux sans médicaments. Il y a Martin,
l’écrivain-motard sur qui la police a
tiré lors d’une manifestation : une balle est
toujours logée dans son front. Il y a Margarita et ses neuf
enfants qu’elle ne peut envoyer à
l’école. Ils ont, à cause de
l’humidité du squat où ils vivent, les
pieds couverts de crevasses. Emotion encore avec Lucy, petite
propriétaire terrienne spoliée par sa banque :
elle a emprunté vingt mille pesos pour un tracteur, on lui
en réclame cent mille, avec à la clé
saisie de ses terres et de son bétail,
péniblement acquis sur plusieurs
générations. Lucy se bat avec toutes les femmes
dans le même cas. Leurs maris ont déjà
lâché prise, ils sont morts d’attaques
cardiaques, ou assommés par l’injustice : elles,
elles ne se laisseront pas abattre. Alors, elles investissent les
tribunaux, elles chantent l’hymne argentin pour
empêcher la vente des terres saisies. C’est sans
doute le moment le plus émouvant du documentaire : quand le
désespoir, l’impuissance s’expriment
dans l’hymne national, qui est « tout ce qui leur
reste ». Elles le chantent faux, la voix rompue : mais il
n’y a rien de plus juste ni de plus bouleversant,
lorsqu’un hymne devient une exigence de justice.
Jean FLINKER